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Back to the basics

Il y a longtemps, quand j’étais encore étudiante de fait et pas juste de statut, dans une colonie de vacances pour post-teens qu’on appelait première année d’école d’ingé on avait quelque chose que l’on appelait le théorème de novembre. Cela disait en somme que toute personne en couple à la rentrée ne le serait plus en novembre. Ou plus avec la même personne en tout cas.

Quand je suis rentrée en thèse on m’a parlé de la théorie de la rédaction. C’est la même chose, sauf que tu n’es pas en couple avec quelqu’un d’autre. Tu es enceinte de ton manuscrit, tu reportes ton Oedipe sur ton directeur de thèse et tu as autant de projets de vie pour après la soutenance qu’un lycéen en CAP après le bac : une bouteille de vodka, un gramme de coke si tu es vraiment désespéré ou parisien et la perspective de retourner chez papa maman pour les prochaines grandes vacances.
Bref, ça s’est vérifié.
Nous ne sommes pas jeudi donc je ne peux pas parler de théorie de jeudi mais je crois quand même que toute rupture te renvoie aux précédentes et préférentiellement à la première. Pourquoi la première ? Parce qu’il faut être adolescent pour vouloir rester au fond du trou pendant six mois pour quelqu’un et que c’est le moment où l’on trouve le répertoire qui soutient et motive ses tendances maniaco-dépressives. C’est quelque chose de très personnel, moi il me faut du pop-rock lyrique.
Passée cette période tu as un travail qu’il faut assurer, surtout si tu veux voir venir un jour celui de ta soutenance, des amis qui peuvent venir te voir sans demander la permission de 9h, un ticket de bus à leurs parents et surtout ta période émo-goth est terminée.
Enfin, la mienne en tout cas. Je n’ai plus qu’une seule des deux New Rocks qui faisaient ma fierté, je ne me vois plus trop acheter un bustier chez Mim : j’ai découvert Emmaus pour les soirées costumées désormais, mes CDs de Black Sabbath prennent la poussière et ceux de Placebo avaient été bannis par celui qui partageait sa boîte aux lettres avec moi.
C’est comme ça, dans un grand élan de ménage et de réappropriation de mon appartement après qu’il ait eu fait ses cartons un lundi pluvieux – aucune idée pour le lundi pluvieux, licence poétique- que je suis retombée en première au son de Black Market Music en passant l’aspirateur que j’ai eu cette révélation : Placebo a une chanson pour toutes les étapes de mes ruptures. Ou alors c’était en buvant une bouteille de vin en attendant que mon meilleur ami vienne me tenir compagnie sous le prétexte fallacieux de m’installer une box internet dont je m’étais passée pendant deux ans et demie, on ne change pas vraiment. Il y avait en tout cas du Placebo même si ce n’était que sur mon téléphone, les cartons laissés derrière lui par monsieur boîte aux lettres m’empêchant de débrancher le micro-onde pour brancher la chaîne hi-fi. Je n’ai pas de l’étudiant QUE le statut en réalité.
J’ai toujours beaucoup aimé le titre de la chanson des Editors « Even the end has a start » mais dans la réalité c’est complexe, la fin commence bien avant que tu la perçoives, c’est un processus long qui s’enracine dans des évènements joyeux, dans des commentaires non relevés, dans des occasions manquées parce que même pas remarquées.
Ce qui est sûr c’est que j’ai toujours eu ce que j’appelle une ligne jaune. Une ligne qui n’a jamais été définie avant, un seuil dont je n’avais pas conscience. Ça a pu être un nouvel an où il avait refusé d’être cordial avec mes amis et d’essayer de s’intégrer, une menace de me jeter dehors si je reparlais de leur marriage une seule fois, une soirée où il m’a dit que je devrais rentrer parce que j’avais bu cinq verres, l’appellation de princesse, une péniche sur laquelle je me suis retrouvée toute seule. Cette fois c’était un sac H&M.
Un sac H&M avec tout ce que cela signifiait de projets communs que l’on ne ferait plus ensemble. C’était juste du shopping pour les USA factuellement, mais aussi juste la réalisation que ce n’était plus important de me dire que sa journée de formation avait été annulée et que je ne faisais juste plus partie de l’équation de sa vie, comme partenaire, comme amante, comme amie, comme coloc. A aucun niveau et c’était fini pour nous et donc pour moi moi.
Quand je suis rentrée dans mon appartement vidé des affaires de l’autre pour la première fois en un an je me suis demandée d’abord où était passés tout ces mètres carrés pendant si longtemps. C’était un peu la personnification du vide intérieur que me laissais la rupture. A chercher partout à son corps défendant des souvenirs que l’autre auraient oubliés derrière et qui prouveraient que tout cela n’étais pas qu’un rêve. Un caleçon oublié entre le lit et le mur, un ticket de caisse trainant sous le canapé, une feuille sur laquelle était imprimée un reçu digitick pour un concert d’électro dont tu n’as même pas vraiment souvenir parce que tu cherchais tes potes et te disais qu’il y en aurait des milliers d’autres ensuite. Les souvenirs sont plus faciles à gérer que l’avenir, les places de soirée à venir où j’irai avec une copine et où il ne jouera pas finalement et bien sûr les vrais projets annulés. Les billets d’avion Los Angeles-Sacramento à prendre parce que finalement nos chemins se séparentt à 17h14 à un aéroport avec tout ce que ça implique pour l’autre, un film préparé un an à l’avance annulé, un papier nécessaire pour une soutenance refusé. Le silence relatif d’un appartement mal insonorisé et la grande question : qu’est ce que je faisais de ma vie avant de te rencontrer ?
Une fois que la peine est passée, ce qui arrive vite, on est biologiquement programmés pour, que la personne est partie et que l’on a décidé d’un commun accord entre soi et ses alters égos du silence radio, silence radio qui n’existe pas vraiment, il reste les amis communs, FB qui croit que vous êtes toujours ensemble et te propose de l’inviter partout où tu vas, il ne reste que toutes les questions qui n’auront jamais de réponse parce que la personne en face n’a pas envie de se les poser et ne peut donc pas y répondre.
Bien sûr même si la peine est passée il reste la colère. La colère d’une décision sur laquelle on n’a eu aucun pouvoir de décision. Un égo blessé parce que si la peine part et que l’on se rend à l’évidence : je suis mieux sans toi, notre rupture m’ouvre plus d’opportunités qu’elle ne m’en ferme, il reste toujours la fierté. Les :  » Comment tu as pu me tourner le dos ? Comment tu as pu pensé que ta vie à toi serait mieux sans moi ? Tout ce que tu aimes actuellement c’est moi qui te l’ai montré, si tu vas bien maintenant c’est parce que je t’ai tenu la main pendant toute la remontée de la pente. Comment tu peux me quitter quand c’est moi qui ai besoin d’aide maintenant que j’ai besoin de toi ? » Alors ta dignité tu te drapes dedans, tu relèves le menton et tu te rappelles que tu es une putain de reine, que l’on connaissait ton nom sans même te connaître dans plusieurs écoles, que le vrai futur c’est à toi qu’il appartient et qu’internet dit bien que FEAR a deux sens : « Forget Everything And Run » ou « Fight Everything And Rise ».
J’avais écrit un jour avec Partner : « If you date the devil you’d better have a couple of bottles of champagne in the fridge ». Il faudrait rajouter « If you love a kid, you’d better have a plane ticket to your bestie in California ». Ça tombe bien, j’en ai un. On devait aller à Los Angeles, flâner et filmer à Santa Barbara. Au final moi je vais à Sacramento, lui va là bas. Putain de marée noire, karma is really a beach.
Ah, et puis, il y a bien sûr celle-là : post-blue, je n’ai jamais pu l’associer à personne mais ça a été ma préférée à la minute où je l’ai entendue. Tout n’est pas perdu.